• Cours No 11   (Extrait de Professeur OUF, encore inédit)
    HISTOIRE


    Au pied de la lettre

    C'était une très belle femme, petite mais cependant majestueuse. Elle s'appelait Berthe et vivait sur un grand pied. L'autre ne posait aucun problème.
    Partout où elle allait, son pied gigantesque la précédait, l'annonçait... Elle ne pouvait surprendre personne. La vie des hérauts d'armes et des valets du Palais en était ainsi simplifiée.
    Car elle habitait un Palais, depuis son mariage avec le "Maire du Palais".
    Elle avait donc, en sus d'un grand pied, l'oreille du Maire, le bon Pépin.
    Celui-ci, voyant pointer son orteil en provenance de Laon, où elle s'appelait Bertrade et était noble dame, fut séduit dès avant son arrivée. Il prit son pied et le reste avec.
    Le petit Pépin entra dans la vie de Bertrade, la rebaptisa Berthe et c'est ainsi qu'il devint son époux.
    Berthe au grand pied avait l'oreille du maire et probablement fut de bon conseil, puisqu'il fut sacré Roi par Boniface.
    Elle avait donc l'oreille du Roi, mais la lui rendait ponctuellement pour chaque audience...
    Pépin, quoique bref, était un homme qui avait du plomb dans la cervelle.
    Il n'est pas question là de blessure ou d'accident étrange. Il était né ainsi et déjà sa nourrice le fit tomber à plusieurs reprises, à cause du déséquilibre. Tant qu'il fut bébé, son cœur d'or équilibra un peu le poids excessif de sa cervelle. Mais en grandissant sa tête pesait si lourd qu'il se tenait le plus souvent assis, appuyant sur son bras ce fardeau.
    Un sculpteur, bien plus tard, ayant eu vent, par une indiscrétion spatio-temporelle, de cette particularité, réalisa une statue fort réussie de l' attitude favorite du roi légendaire, fondateur de dynastie... Mais Rodin, d'une excessive modestie, laissa la critique patauger quant à la véritable origine son inspiration...
    On ne peut passer toute sa vie dans cette attitude, on le comprendra. Surtout qu'il avait fort à faire : pacifier les marches de ses royaumes, gagner le pape à sa cause, enfermer le dernier mérovingien dégénéré dans un couvent... Ouf!... Aïe, ma tête! Quel boulet!
    Heureusement, un des mages du royaume féru d'alchimie arrangea pour le roi un bonnet magique.
    Les scientifiques de notre époque ont compris le principe de ce bonnet. Mais pour le roi et ses sujets la magie était certaine. Il s'agissait d'une enveloppe hermétique gonflée à l'hélium qui soutenait ainsi la tête trop lourde du roi.
    Pépin le Bref, le roi en bonnet, et Berthe au grand pied avaient tout pour laisser une belle empreinte dans l'histoire.
    Mais un jour Berthe s'arrondit et donna naissance à un fils prénommé Charles.
    Il semblait avoir une cervelle plutôt légère, un cœur de chair et de sang, et ses deux menus petons étaient de parfaits jumeaux. Pas d'atavisme donc.
    Cependant il fallut bien admettre qu'il avait deux mains gauches dont l'une était verte. Sa nounou avait beau la frotter avec toutes sortes d'onguents, elle ressemblait à un bourgeon de printemps. Par ailleurs la dévouée servante qui baignait l'enfant prenait soin d'humecter particulièrement ses petits orteils toujours nus, car il les avait en bouquet de violettes, et il fallait éviter qu'ils fanent. Moyennant ces soins attentifs, c'était un enfantelet au caractère tranquille, du genre plutôt épanoui.
    Ces signes envoyés par le ciel montrent bien, si c'est encore nécessaire, que nous avons affaire à des personnages peu ordinaires.
    Berthe, toujours sur son grand pied ; Charles, bientôt Magne, dissimulant sa main verte ; Carloman son frère, qui, modeste, se contentait d'être souvent sur les genoux, ce qui le mena finalement à abdiquer pour entrer au couvent ; et surtout Pépin, sa cervelle garnie de plomb, sa tête près du bonnet et son cœur d'or attirèrent l'attention du pape Etienne II Celui-ci, qui n'avait qu'à se louer des largesses de Pépin conseillé par ses organes insolites et sa non moins insolite compagne, sacra du Saint-Chrème les trois représentants masculins de la famille et en bénit soigneusement la représentante féminine, de profil et à gauche, car son gigantesque panard le tenait à distance... d'un certain point de vue.
    Ce fut la naissance de la dynastie des Carolingiens.
    Charlemagne enfila un gant de velours sur sa main verte qu'il tenait à l'abri dans un gantelet métallique, car, végétale, elle était bien fragile. Il géra l'héritage de son père et de son frère avec cette main de fer dans son gant de velours, si rigoureusement qu'il devint Empereur d'Occident Il choisit pour capitale Aix la Chapelle, pour la qualité de ses eaux, dans lesquelles il aimait à se baigner, dit-on.
    Nous nous doutons qu'il devait préserver de cette façon sa main verte, et ses orteils dont il devait entretenir la floraison.
    Digne fils d'un homme qui avait du plomb dans la cervelle et en fit profiter son époque, Charlemagne développa les études, créa quasiment l'école pour tenter de mettre aussi quelque plomb dans les jeunes cervelles paraissant trop légères. Il protégea ceux qui, comme Carloman son frère, sur les genoux du soir au matin et toutes les heures canoniques, préféraient prier que gouverner.
    Maintenant, au prix d'une distension formidable du temps, je voudrais vous aligner tous, Ô Famille Impériale Extraordinaire, pour vous prendre en photo... Vous êtes étonnés, bien sûr ? Non ? Vous connaissez, dites-vous, Majesté...?!!
    Alors là ! Les bras m'en tombent ! Zut, l'appareil est tombé avec...
    Juste au pied... au pied de la lettre !

     


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  • Extrait de "gens de la lune", à paraître en 2016

    Un professeur , psychiatre et neurologue, est attendri par ses patients et leurs lubies

    Il est assailli de doutes sur son action, parfois destructrice de jolis rêves

     

    Claudia

    Je n’ai plus d’hippopotame à colorier, mais j’ai quand même trop de peinture rose.
    Les chats... je vais peindre des chats. Ils sont souvent roses.

    Claudia, attentive, un bout de langue dépassant du coin de ses lèvres minces, créait ainsi un bestiaire coloré, seule dans l’atelier.
    Cette grande femme roide, tirée à quatre épingles sous sa blouse de travail à peine tachée, surprenait par l’attention qu’elle accordait à ses coloriages enfantins. Pas un coup de pinceau ne débordait, pas un ne manquait, de même que pas une mèche ne dépassait de son chignon brun, luisant et lisse. Pourtant de ses mains de femme mûre, tout un bestiaire en folie sortait de son application.
    Des caïmans violets trempaient dans un marigot turquoise. Sous un ciel jaune citron, des girafes uniformément vertes paissaient tranquillement des acacias orangés...
    Je scrutais cette patiente à l’allure si comme il faut, curieux de comprendre ce hiatus. Quelques mots de conversation me suffirent : Claudia n’était pas daltonienne. Elle voyait comme nous les couleurs. Ma veste était bien bleue, De même que le crayon était réellement rouge. Sa vision ne présentait aucune anomalie.

    Interrogée plus avant, de ses propos à l’allure posés et sérieux, elle finit par m’expliquer : sur la petite planète à droite derrière la Lune, où habitait Claudia, les animaux, nombreux, étaient très précisément tels qu’elle les coloriait. Tout le monde savait ça, et elle me regardait d’un oeil soupçonneux pour avoir osé poser la question.
    Claudia n’habitait pas la Lune, mais une petite planète voisine. Elle ne mélangeait pas sa prestance à celle de nos artistes enthousiastes surpeuplant Séléné, mais elle était tout près, à leur ombre.
    Avant ma tournée de distribution de pilules roses ou bleues, multicolores à tous mes patients amis, je jetai un dernier coup d’œil aux gouaches de Claudia. Comme sa petite planète devait être gaie, Comme la paix régnait entre tous ces animaux différents.
    Devais-je vraiment bombarder toute cette créativité de mes minuscules missiles si puissants ?

    L’amour pour ces différences et le doute, l’horrible doute.

     

     

    Une fantaisie avec le même début, mais bien différente

     Demain, c'est Dimanche

     Je n’ai plus d’hippopotame à colorier mais j’ai quand même pu finir un zèbre, un caïman, une sauterelle et deux girafes. Je suis é-pui-sé.
    Demain, c’est Dimanche : repos.
    En considérant tout ce travail accompli, je me dis que c’est bien.
    C’est très bien.
    C’est bien mais...
    Il manque... j’avais pensé... Il manque un détail. J’avais une idée...
    Recru de fatigue, ai-je oublié ? Je ne sais plus ce que c’est. Ah oui !, j’avais mis de côté un peu d’argile.
    Modeler, maintenant ? Oh ! juste une ébauche. Demain, c’est sûr, je me repose.
    Voyons cette argile. Qu’en faire ?
    Oui, à peu près comme ça. Là !
    Debout ?
    Ça tient ?
    Pas très joli, mais nouveau, comme style. Oui ! Je sais. La tête est trop grosse. Tant pis, ça ira comme ça.
    Je le laisse brut de couleur, le soleil s’en chargera... Je suis si las.
    Six jours de travail intense.
    J’ai commencé par la lumière... Je termine par ce... cette...créature mal fichue. Pas brillant. Bah ! je vais l’améliorer d’un souffle.
    Et après, dodo. On verra bien ce que ça deviendra...
    Oh ! Ahhh !... Bonne nuit ma création !

     

     

    Avez-vous une autre idée, avec la même phrase de début ?

    Si oui, écrivez là moi, soit dans les commentaires, soit sur mon mail, je l'ajouterai ici

     

     

     


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