• l'eau

     Mon apprenti reporter, Louky fait ses armes en Afrique.

     Les réalités rattrapent sa candeur

     

     L’eau

     

    Il fait chaud. Un vent de feu intermittent soulève des tourbillons de poussière. Elle est partout,

    pénètre toitures et murs mal joints, elle sèche les gorges, les yeux, le nez, la peau.

    Amy et Diouf sont partis au point d’eau, avec le bidon de presque 20 litres. Ils vont revenir,

    mais il faut attendre, c’est loin. La fillette est frêle, mais dure à la marche.

    Elle doit faire ses 7 kilomètres les jours d’école pour y aller,  et revenir en courant, vite,

    pour s’occuper des petits frères.

    Louky tend son micro à la femme accroupie sur le seuil

      — Diouf est encore petit, mais il faut voir comme il est fort, celui-là. Il remplace déjà son

    frère qui a trois ans de plus.

    Son frère est en apprentissage, il ne vit plus chez nous.

    Ils vont revenir, mes deux petits, avec le lourd bidon d’eau, bien rempli et je pourrai préparer

    à manger pour toute la famille, nous boirons et je pourrai  laver le petit dernier, mon bébé,

    en faisant attention de ne pas user trop de cette eau précieuse.

    J’ai préparé un récipient de plastique. On versera dedans l’eau boueuse pour que la boue tombe

    au fond. Ça fera de la bonne eau claire pour boire. Mais je crois que je n’attendrai pas et en

    prendrai un peu comme elle sera, et les autres comme moi. Les petits reviendront fatigués,

    mais ils auront bu aussi, et se seront lavés. Pourvu que des grands ne les empêchent pas,

    ne leur fasse pas de mal. C’est pas toujours calme, au point d’eau. Il y a souvent de la bagarre.

    Mais les petits sont malins. Ils savent éviter les coups. Pourvu qu’on ne les fasse pas trop attendre

     non plus. Les plus forts se servent  en premier, et presque tout le monde est plus fort que mes

    deux petits.

    Oh, cette attente ! Et ce vent de feu, cette chaleur lourde ! Encore de l’orage, mais il ne pleuvra

    pas. Nous les verrons passer, les gros nuages noirs, mais ils crèveront là-haut, sur les montagnes,

    tellement loin !

    Que c’est long ! Je ne sais pas s’il va téter du lait ou du vide, mon petit Bouni, mais au moins,

    il tète, lui. J’ai soif.

    Les voilà ! Oh ! Tu boites mon enfant ?

    Donne ! Il n’est pas plein ! Qu’est-il arrivé ? Des grands ? Ils ont fait un trou ? Un caillou pointu ?

    Où ça ? Et comme elle est sale !  Bon, ça ne fait rien, je vais réparer. Mais il faudra retourner

    demain, y’en a pas assez…

    J’ai laissé Ma et ses enfants se débrouiller de leur bidon percé et de l’eau rare et boueuse.

    Ma fera quand même la bouillie du soir, un peu moins, car il n’y aura pas l’eau nécessaire.

    Mon reportage est bouclé, j’ai quelques photos, et je n’ai plus qu’une demi-bouteille d’évian.

    Il est temps que je rentre à l’hôtel.

    Une douche pour me dépoussiérer, un plongeon dans la vaste piscine… Et puis il faut que je passe

    aux toilettes.

    C’est combien de litres, la chasse d’eau déjà ?

    En faisant ce geste machinal, l’image se superpose de ces deux enfants de la brousse traînant

    un bidon d’eau boueuse percé sur le dessus, attentifs à ne pas en renverser plus !

     J’ai seulement fait mon travail, pour mon journal qui a retenu l’hôtel où en quelques minutes,

    j’ai dû utiliser l’eau claire qui aurait réjoui un village entier !

     Je ne me rendais pas compte !


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