• Jules et la candeur.

     

     

    Attention !

    Ce texte contient, avec quelques lieux communs pompeux,  quelques obscénités bien lourdes pour la bouche qui les prononce;

    J'espère que vous apprécierez la caricature de certains romans roses (vif).

     

    Jules et la candeur

     

    — « T’es nul à chier ! »

    La délicate enfant au teint de porcelaine, aux grands yeux myosotis emplis d’innocence, arquait

    gracieusement sa jolie bouche aux lèvres délicatement ourlées sur ces mots bruts.

    — « Sacré sale con ! Va chier ! Tu peux te les carrer, tes couilles de rat ! Je courrai pas après !

    La contrariété ridait très légèrement son front pur. On pouvait percevoir, au mouvement gracieux

    de ses jolies épaules rondes, une certaine crispation.

    — « Va te faire enculer, patate ! Tu peux te la garder dans des glaçons, ta sale queue, j’y

    goûterai plus ! Nom de Dieu ! Ça ! Un mec !

    La gracieuse silhouette nimbée par un rayon de lune dressait en avant un médium vengeur. La

    lune jouait de l’éclat des diamants ornant ce symbole phallique, et ajoutait des lueurs bleutées

    à l’or de ses cheveux. Elle conclut :

    — « C’est ça ! Barre-toi, minable ! »

    Diane de Berlancourt emporta avec elle son ombre distinguée aussi racée qu’elle et se fondit un

    moment dans l’obscurité.

    Un corps allongé au milieu de cartons et de chiffons crasseux, sur la grille d’aération du métro

    dispensant une touffeur chaude et malodorante, gêna sa progression.

    — « Nom de Dieu  de merde! Quel putain de con barre mon chemin ? Quel trouduc… »

    Le monstre grondant dans les entrailles de la grande ville rugit et emporta la suite des

    imprécations de la douce enfant.

    Les cartons qui recouvraient le clochard s’effondrèrent sous l’acharnement du pied mutin de

    l’aristocratique belle, et délivrèrent l’odeur qu’ils emprisonnaient. Un mélange d’urine, de vinasse,

    de crasse tenace.

    — « Putain de con ! J’ai failli me casser la gueule ! Tire-toi ! Fils de pute ! »

    La voix cristalline de la jeune fille en fleur finit d’éveiller le clodo, éberlué, encore sous l’empire

    de son lourd sommeil d’ivrogne, sidéré  de contempler tant de grâce.

    Il bondit sur ses pieds enveloppés de sacs plastiques, et vacilla en grognant. Il racla sa gorge

    et envoya le crachat de côté.

    Il avait, contre la froidure, empilé sur ses épaules un ensemble de lainages dépenaillés et de

    doudounes incertaines dont aucun ne fermait. Son pantalon, lui, tombait sur ses fesses et la

    braguette béante laissait apparaître une turgescence violacée, peut-être le fruit de ses rêves

    avinés

    Diane ouvrait ses yeux de myosotis avec gourmandise et arrondissait ses lèvres purpurines,

    retenant une eau nacrée qui avait investi sa bouche aux dents de perles.

    Elle se jeta sans plus tergiverser sur l’objet de sa convoitise.

    Pendant que ses mignonnes joues de pêche palpitaient au rythme de son action goulue, ses

    délicates narines recueillaient le fumet de son Prince Charmant.

    De ses fines mains blanches comme des colombes, elle prenait possession de la chair porteuse

    de ce nectar et fouissait parmi les oripeaux pourris, à la recherche de zones velues où fouiller

    davantage.

    Le gueux se mit à croire aux fées, à l’Olympe dont il ignorait pourtant les raffinements, à la

    Légende dorée de tous les Saints, et tomba sur l’infâme tas de cartons et de guenilles en même

    temps que le petit corps musclé entièrement offert. La belle avait ôté prestement quelques

    grammes de précieuse dentelle griffée, et se tortillait savamment en tous sens pour indiquer ses

    préférences.

    La scène, maintenant, commande la discrétion. Nous partirons donc sur la pointe des pieds, le

    mouchoir sur la bouche, car l’atmosphère glacée est devenue torride, et exalte les odeurs.

     

     Ce matin, Diane, le plus ravissant bourgeon de la lignée de Berlancourt, élégante, fine et

    distinguée, reçoit dans l’écrin de velours de son boudoir, Gontran de Saint Merlereau, jeune

    homme timide et bien sous tous rapports. Ils sont trop jeunes encore pour être fiancés, mais

    suffisamment adolescents pour qu’il soit malséant de les laisser en tête-à-tête. Pour cette raison,

    Tante Victoria est tassée dans son fauteuil à oreilles, appliquée à sa broderie.

    Elle laisse la jeunesse discuter ensemble, et prête une oreille distraite aux compliments

    balbutiants que tente Gontran sur le frais parfum  de sa douce amie.

    Ils rendent facile son rôle de duègne.

    Elle évoque en son for intime  sa propre jeunesse, et se repent de ses péchés devant leur

    ingénuité.

    A la même heure, Jules, SDF de son état, poivrot par conviction, et poète au fin fond de son âme

    fruste et de son corps mangé de vermine envisage sérieusement les « bain douche" afin de laver

    toute la souillure qu’il sent sur lui depuis cette nuit et son contact avec une fée.

    Il se sent violé, sale et honteux. La pureté l’attire.

    Il n’a pas envie de boire le reste de son vin, et jette sur le monceau d’immondices, avec sa

    bouteille, quelques grammes de dentelle de grande marque, parfumés de Guerlain.

    Des réminiscences flashent dans sa tête et provoquent des haut-le-cœur. Il revoit l’adorable

    enfant jeter sa lubricité sur lui, prendre et donner, étaler ses appétits exubérants. La nausée

    monte et se précise.

    L’estomac révulsé, sevré d’alcool, il regarde le soleil se lever et file vers la campagne,

    avide de candeur

     


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