• POD'ZEB

     

    Puisque la mode est aux séries, voici le premier épisode d'un conte de fées.

    Aucun suspens, les contes de fées n'en comportent pas. En revanche, vous aurez une impression de déjà vu et de nouveauté.

    Po d'zeb est un remake de Peau d'Âne dans une Afrique aussi fantasque que le Pays des fées européen.

     Pourquoi ? Et pourquoi pas ?

    La princesse Lala est une magnifique jeune fille brune aux cheveux crépus, aux larges  yeux bruns ,à l'allure élancée et à la cambrure

    suggestive, comme Peau d'Âne possédait une peau laiteuse, de longs cheveux blonds, et un port de reine.

     J'espère que l'idée vous plait... Bonne lecture, alors.

     

     

     

    Pod'zèb

     

    Il était une fois il y a très, très longtemps, dans un royaume de chaleur et de poussière, une Reine

    qui sentait venir la mort.

    Elle était renommée pour sa beauté  et la maladie qui l'emportait avait respecté cet éclat, ayant

    seulement alangui sa prestance, adouci ses traits.

    Le Roi, averti de son état désespéré vint la visiter.

    Elle lui demanda :

    — "Vas-tu me remplacer, prendre une autre femme?. Je suis la plus admirée de tes sept épouses...

    S'il te plaît, en mémoire de moi, n'épouse qu'une femme plus jolie que moi....si tu la trouves.

    Cette demande flattait l'ego du roi, qui promit, jura devant les Grands masques et le Chaman: Il ne

    se remarierait  qu'avec une femme plus jolie que la Troisième Reine. C'était presque une capitulation

    , car aucune, dans ce royaume et quelques autres, ne pouvait égaler une telle beauté.

    La Troisième Reine mourut, emportant jusque dans la mort sa grâce intacte. Ses funérailles furent

    magnifiques et durèrent une lune.

    La Reine défunte laissait trois orphelins: un fils aîné, attiré par la guerre, le pouvoir et les armes,

    une fillette ravissante et un tout jeune bambin aussi rieur que ses disgrâces physiques le lui

    permettaient.

    Le temps passa. Le Roi respectait sa parole et n'approchait plus d'autres femmes que les siennes.

    La fillette, nommée Lala grandissait en grâce et en beauté, et bientôt, dans tout l'éclat de sa fraîche

    éclosion, devint plus jolie que la Troisième Reine, sa mère, lorsqu'elle fut remarquée par le Roi.

    Tout le monde s'accordait à l'admirer : les sujets du Roi, les autres épouses du Roi, les amis et les

    ennemis du Roi. La réputation de sa splendeur franchissait les forêts et les cours d'eau.

    Son père en devint amoureux et lui demanda de l'épouser.

    La jeune fille, outrée de cette demande, fit appel aux autres épouses, aux chamans, sorciers et

    sorcières, au conseiller privé, bref, à tout ce qui comptait dans l'entourage du roi. En vain.

    C'était un souverain puissant et redouté; on préférait se faire mal voir des esprits des ancêtres ou

    de la forêt que d'un monarque si puissant.

    Lala essaya de dissuader son père par tous les moyens mais celui-ci, habitué à ce que tout cède

    devant sa volonté, s'entêtait. Alors, Lala consulta en secret son Totem, (ou animal symbolique

    protecteur), qui se trouvait être une Licorne Blanche.

    — "Il faut lui demander l'impossible en échange de ton consentement", lui répondit la bête. Comme

    ce sera irréalisable, il ne pourra pas acquiescer à ton désir, donc tu ne pourras acquiescer au sien..."

    Lala demanda à son père d'exaucer trois souhaits :

    Le premier était d'avoir un boubou "couleur d'un coucher de soleil sur la savane". Chacun sait que le

    soleil, sous ces latitudes, se retire tellement vite et les merveilles de son coucher sont tellement

    fugitives que jamais un artisan tisserand ou teinturier ne pourra saisir de si magnifiques  nuances

    en si peu de temps.

    Mais les artisans du royaume étaient  compétents et  habiles, utilement stimulés par les arguments

    du roi. Ils fabriquèrent un boubou somptueux, tout à fait semblable aux plus beaux couchers de

    soleil sur la savane, et l'astuce était que lorsque l'un s'éteignait, il s'en allumait un autre à côté et

    ainsi de suite. Ce boubou présentait un coucher de soleil éternel et changeant tout à la fois.

    Lala dut accepter ce présent inouï, non sans préciser à son père qu'il lui restait deux autres souhaits

    à satisfaire.

    Mana la Licorne, consultée, suggéra deux pistes. Ou bien il fallait s'attaquer  au Totem de son père,

    garant et responsable de sa puissance, en l'occurrence une Chimère au corps de zèbre, à la tête et

    aux pieds de panthère noire, ou bien tenter encore de demander quelque chose d'impossible.

    Lala aimait bien son papa, en dehors de cet étrange entêtement qu'il avait de vouloir  faire d'elle sa

    femme. Tuer son animal allégorique était vraiment très grave : il perdrait probablement tout ses

    pouvoirs sur son peuple, sa force, ses capacités à gouverner, probablement aussi sa sagesse, déjà

    en péril à cause de sa lubie pour Lala... Rongée de chagrin à cette idée, la princesse Lala opta pour

    essayer encore l'impossible.

    Conseillée par la licorne, Lala exigea une très grande étoffe pour s'y draper à sa fantaisie. Cette

    écharpe devrait être" couleur de la nuit dans la forêt vierge, en période de pleine lune, au printemps,

    et receler, outre les couleurs d'une nuit de lune, toutes les effluves et toutes les musiques des

    habitants de la forêt, du sol à la canopée, évoquées de manière agréable et douce".

    Elles avaient mis au point leur desiderata au cours d'une grande crise de fou-rire, tout à fait certaines

    que le roi comprendrait qu'à l'impossible nul n'est tenu, que sa fille témoignait ainsi qu'elle ne serait

    jamais à lui, et abandonnerait son idée sacrilège et saugrenue.

    Le Roi reçut la demande le plus sérieusement du monde et affecta l'élite des artistes, des artisans,

    des ouvriers et des manœuvres du royaume à cette réalisation. Les sorciers et magiciens furent

    également mis à contribution, et des émissaires  partirent  dans toutes les directions chercher et

    recruter tout ce qui pourrait contribuer à la réussite de l'entreprise: hommes, femmes, enfants,

    esprits, animaux, oiseaux chanteurs, grillons et griots.... Ils  kidnappaient les êtres vivants et

    volaient les biens dans tous les royaumes voisins...

    Les ripostes ne tardèrent pas et les envoyés de ces autres royaumes vinrent avec des délégations

    plus ou moins pacifiques menacer ou se plaindre au père de Lala. Tous parlaient d'exactions inadmissibles.

    Le Roi tenta de les calmer en leur promettant des dédommagements et des cadeaux, mais, disait-il

    avec une mine effrayante, il fallait d'abord le laisser faire.

    La terreur régnait, et tous travaillaient à la grande entreprise sous la contrainte. Pendant ce temps,

    les bras manquaient pour nourrir le pays. La famine commença à sévir.

    Lala et la Licorne Blanche ne riaient plus. Elles devaient lutter, elles le comprenaient, contre la folie

    du monarque et rétablir la vie normale du royaume.

    Pendant ce temps, l'acharnement de tous ceux qui travaillaient  au "Grand châle couleur de nuit"

    commençait à porter ses fruits, l'œuvre avançait. Même terrorisés, affamés, maltraités, les artistes

    qui s'y consacraient s'entêtaient à résoudre tous les problèmes posés par cette demande inouïe.

    Ils étaient si intelligents et si habiles qu'ils étaient près de réussir.

    C'était la consternation dans la case du Palais où résidait la Princesse Lala. Elle avait honte d'être la

    cause de la désolation du pays, n'osait plus se montrer, et toutes les nuits convoquait Mana la

    licorne pour trouver le moyen de mettre fin à tout cela, sans pourtant céder au Roi et à sa folie.

    L'opinion de Mana était qu'il fallait sacrifier le Totem du roi, tuer le "Zèbre à tête de panthère noire"

    garant de sa puissance. Lala ne pouvait s'y résoudre. Et puis encore fallait-il le réaliser!

    Cet animal magique était sous la garde du Grand Sorcier, conseiller du roi et son grand ami. Lui seul

    pouvait parvenir jusqu'à la bête, et pour l'abattre, il fallait une cérémonie magique compliquée.

    Mana la licorne prit les choses non en mains, elle n'en avait pas, mais au bout de sa corne unique,

    qui valait les meilleures baguettes magiques.

    Elle eut un conciliabule secret avec le Grand sorcier et le Chaman. Celui-ci, responsable de la santé

    du Roi, s'alarmait de la violence de son caprice pour sa fille. L'obstination qu'il mettait à  satisfaire

    des idées farfelues destinées à lui faire prendre conscience que son désir n'était pas réalisable

    l'effrayait et la démesure des dernières décisions qui menaçaient la vie des sujets  du roi et la paix

    du royaume lui paraissait insensée. Ils complotèrent tous les trois et se débrouillèrent pour que la

    peau du" Zèbre à tête et pattes de panthère noire" fut retrouvé au matin, nettoyée, tannée et

    assouplie, dans la case somptueuse qui lui servait d'écurie.

    Le Sorcier cria à la magie, pratiqua quelques cérémonies... Le Chaman constata la prostration du Roi,

    le total effondrement de sa volonté, une sorte de maladie de langueur qui le rendait faible et

    souffreteux...

    Lala reprenait espoir. Elle alla rendre visite à son père malade. Mais celui-ci, du fond de son lit,

    chevrota :

    — " Le Grand châle couleur de nuit est prêt. Il est magnifique et bientôt je serai guéri et nous

    célèbrerons nos noces"...

     Lala sentit une grande vague de colère et de dégoût l'envahir :

     — "Puisque c'est ainsi, mon troisième souhait sera de posséder la peau du" Zèbre à la tête de

    panthère noire" Je vais de ce pas la chercher, ainsi que ce châle merveilleux qui a coûté le  malheur,

    la vie et la sueur de tant de gens talentueux. Adieu mon père, vous ne me reverrez plus jamais".

    Revenue chez elle avec ses trophées, elle enfourcha Mana la licorne qui la conduisit dans un endroit

    secret, une sorte d'îlot entouré de marécages et de bosquets impénétrables.

    Là vivaient tant bien que mal des parias de toutes sortes, aussi bien pris pour voleurs et bandits,

    que des opposants au Roi ou des hommes qu'il avait banni du royaume, ainsi que d'autres qui

    avaient fui pour sauver leur vie. Cette communauté où des exclus du royaume s'étaient groupés,

    soutenus,  subsistait en cultivant divers mauvais lopins de terre. Avec quelques poules et quelques

    chèvres, elle survivait pauvrement dans des huttes de terre couvertes de branchages.

    Mana conduisit tout droit la princesse vers une falaise rocheuse où s'ouvrait une faille noirâtre.

    — "Tu vas t'installer dans cet abri sous roche. Voici le coin où tu peux faire du feu. Ici nous

    improviserons une couche de feuilles et d'herbes sèches...Tu te recouvriras de terre séchée et

    porteras sur toi la peau du Zèbre que nous avons emportée. Nul ne te reconnaîtra ainsi."

    La pauvre princesse n'était pas habituée à vivre en ermite et considérait cette précaire habitation en

    soupirant profondément. Rassemblant tout son courage, elle commença à ramasser des feuilles et

    des fougères pour faire son lit, quand la licorne lui dit :

    — " Avant tout, il faut défaire tes bagages" et elle lui montra un volumineux ballot enveloppé dans

    un tapis, qu'elle n'avait pas vu arriver. Le gros sac  les précéda au fond de la faille, et pénétra derrière un rocher. Lala suivait, poussée gentiment par Mana qui montrait sa joie par de petites ruades et des sauts de cabri.

    Lala, le cœur battant, découvrit une grotte immense, toute illuminée, plus merveilleuse que le plus

    merveilleux palais du monde. Partout des draperies de pierre, des colonnes ouvragées, des cascades

    minérales, des bassins tranquilles au fond couvert de perles, et des chutes d'eau produisant une

    musique pareille à d'agréables chants d'oiseaux.

    Mana la poussait, la taquinait, riait de sa surprise :

    — "Tu vivras de temps en temps dehors, afin que l'on croie que tu es une pauvre fille réfugiée là

    comme tous les autres. Tu seras alors dissimulée par la peau de Zèbre, nul ne verra ta beauté.

    Il faudra quelques fois aller mendier du travail auprès des autres misérables, pour qu'on sache

    comment tu subsistes... Si rien de toi ne paraît étrange, tu seras acceptée par ceux-ci, qui ne risquent

    pas de dénoncer ta présence au  Roi. Le reste du temps, tu habiteras  cette grotte, tu pourras te

    faire belle et te distraire. Tu seras approvisionnée par mes soins. Voici tes vêtements, tes fards, tes

    instruments de musique, ta broderie, tes bijoux... Et voici le "Boubou couleur de coucher de soleil",

    et le  "Grand châle couleur de nuit."

    Le tapis, déployé sur le sol, montrait aussi un lit confortable, un bon fauteuil et une petite table où

    étaient disposés toute sa parure et tous ses objets familiers.

    — "Bon, je dois partir, on m'attend" dit brusquement la licorne, qui disparut sur l'instant.

    Lala ne connaissant rien du lieu où elle était. Cette partie du Royaume lui était complètement

    inconnue. Elle revêtit sa peau de Zèbre, emmêla ses cheveux dénoués de brindilles et sortit comme

    elle était entrée tout à l'heure, par une brusque quinconce qui dissimulait entièrement l'entrée de la

    caverne; A tel point qu'elle préféra prendre quelques repères pour être sûre de retrouver le passage.

    Enveloppée, dissimulée par la dépouille de l'animal symbole de son père, elle osa se diriger vers le

    marais où quelques femmes prélevaient des roseaux, sans doute pour faire du feu. Elle fit de même,

    sans un mot et se retira discrètement. Retournée à l'anfractuosité de rocher, elle alluma un petit

    brasier qui fuma assez pour signaler une présence. Elle termina la récolte  des fougères pour établir

    une litière, sur laquelle elle s'étendit pour regarder tomber le soir, et montrer  à d'éventuelles

    curiosités qu'on y dormait vraiment. Ceci fait, elle rentra dans la grotte merveilleuse, dotée d'une

    agréable température constante et miraculeusement éclairée par un halo discret qui suivait ses déplacements

    Allons, cet exil ne sera pas trop terrible, grâce à Mana !

    Lala, orpheline de sa mère, séparée de ses frères et obligée de fuir son père et sa folie, sa maison, ses servantes, sa nounou qu'elle aimait, trouvait quelque compensation à son chagrin par la beauté qui l'entourait  et l'attention que lui montrait Mana.

    Dans le petit groupe des bannis et des hors la loi, la nouvelle de l'arrivée d'une inconnue, miséreuse,

    discrète, couverte d'une peau de bête et se contentant d'un abri de rocher dont personne n'avait

    voulu jusqu'à présent causa bien des conversations et des théories. Quand on eut bien bavardé, les

    nécessités de la vie retinrent à nouveau toutes les attentions, et le temps, un instant dérangé,

    passa de nouveau calmement sur les parias.

    La princesse Lala était curieuse de comprendre le point de vue de tous les réprouvés, ses voisins

    par force. Mana interrogée n'avait pu que répondre :

     — "Rends-toi parmi eux, fais les parler, tu en sauras plus que moi...  Mais attention, reste cachée,

    discrète... N'oublie jamais que tu es en grand danger! Ton Père n'a pas repris ses esprits, mais son

    entourage, en particulier ses autres épouses et leur famille ne te feront pas de cadeau...

    Ainsi fit Lala, vite surnommée "Pod'zèb". Elle s'offrit pour des travaux de maraîchage : planter,

    récolter...Personne ne bavardait durant ces heures pénibles... Elle tenta d'aider pour les repas de

    ceux qui travaillaient dehors...On lui permit d'assister une vieille qui s'en chargeait. La vieille était

    sourde et tenait des propos incompréhensibles... Mais à force de mendier ainsi du travail, on lui

    proposa de partager les repas qu'elle contribuait à préparer. Les travailleurs s'asseyaient en rond,

    fatigués et peu loquaces... Mais vint le moment où, un problème les agitant, ils en vinrent à égrener

    leurs malheurs.

    Lala, toujours enveloppée de sa peau de zèbre, souillée, muette mais toute ouïe, recoupait ces récits

    avec le peu qu'on avait pu évoquer devant elle de ces bribes d'histoires... Et sa famille n'avait pas le

    beau rôle!  Elle entendit aussi parler d'un homme, presque un dieu dans leurs bouches, un

    bienfaiteur qui serait aussi justicier, beau, fort, brillant...Une légende...

    C'est ce que Lala comprit : un être idéal n'existant que dans les rêves.

     


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