• Monsieur

    Ces gens là, vous allez peut-être les reconnaître, au travers des racontars et des allusions...

     

     Monsieur.

     

    Ces gens-là, Monsieur, ils avaient un si grand appartement. Si beau aussi.

    Situé dans le meilleur endroit de la galaxie. C’est ainsi que se nommait leur quartier.

    Quel admirable appartement ils avaient, ces gens-là, Monsieur !

    Un sol magnifique : dessous, du marbre et des pierres de grand prix.

    Dessus, de riches tapis de soie ou de laine épaisse que leur avaient fait leurs serviteurs.

    Car ils avaient de nombreux serviteurs empressés, Monsieur, ces gens-là,

    Les serviteurs étaient venus d’eux-mêmes les aider.

    Un échange d’intérêts : ces gens-là connaissaient des moyens d’attirer ainsi ceux qui étaient

    friands des miettes qu’ils laissaient.

    Ils savaient mettre à l’abri des dangers les êtres qui leur donnaient de leurs talents.

    Ils se réchauffaient mutuellement lors des grands froids, les uns procurant des abris, les autres

    donnant leur chaleur et partageant leurs ressources.

    Mais, Monsieur, ces gens-là connaissaient trop de choses et ont grugé leurs serviteurs volontaires,

    qui s’en rapportaient à eux de bonne foi.

    Ces gens-là, Monsieur, orgueilleux et méprisants, se sont pris pour des maîtres.

    Ils se sont proclamés seigneurs.

    Ils ont même inventé le droit divin, à partir de livres qu’ils ont eux-même écrit, qui leur donnaient

    pour mission de dominer et exploiter tout ce qui vit.

    Et ces gens-là, Monsieur, c’est de cette façon qu’ils habitaient un si bel appartement assez grand

    pour y abriter tous ceux qu’ils asservissaient, et assez solide pour empêcher les autres d’en

    profiter. Ils empiétaient sur le domaine de tous les autres, les inutiles — disaient-ils— et les

    nuisibles ils les tuaient.  Oui, Monsieur.

    Alors,  Monsieur, ces gens-là avaient la place pour de plus grands appartements encore, avec

    encore plus de serviteurs un peu écrasés.

    Et ces gens-là accumulaient, dépensaient sans compter, vraiment sans compter, Monsieur, et sans

    s’occuper s’ils mangeaient les ressources des autres.

    Ils ne laissaient pas grand chose à leurs serviteurs, Monsieur.  Juste, tout juste le nécessaire. 

    Ils croyaient que tout leur était dû.

    Ils avaient oublié qu’eux seuls avaient écrit la loi des livres sacrés.

    Ils croissaient, multipliaient, dominaient comme c’était écrit.

    Ces gens-là,  Monsieur, il y en avait partout, et beaucoup.

    Ils tiraient de leurs serviteurs de plus en plus, les épuisant.

    Savez-vous, Monsieur, ces gens là allaient chercher sous les tapis de laine et de soie, parmi le

    marbre et les pierres de grand prix des ressources imprévues que leur malignité, qu’ils nommaient

    intelligence, savait transformer en gadgets à la mode qu’ils s’arrachaient.

    Et pour ce faire, Monsieur, ils laissaient leurs serviteurs de toujours mourir de toutes sortes de

    manques et d’intoxications.

    Leur appartement, à ces gens-là, changeait d’aspect, Monsieur.

    Les tapis s’abîmaient sur le sol percé de toutes parts. Les serviteurs, réduits en esclavage ou

    victimes de la toxicité de l’air de l’appartement peu entretenu , mourraient, ou se transformaient

    en machines. Ils ne travaillaient plus pour faire plaisir, mais avec l’idée de sauver leur peau.

    Ces gens-là, Monsieur,  avec cette façon de tout prendre et de tout transformer, étaient devenus

    nombreux. Bien trop nombreux pour se nourrir soi-même et faire creuser le fond de leur  cave

    pour trouver encore de quoi faire fabriquer les gadgets qui les rendaient fous par des

    gadgets-fabricants.

    Encore plus fous, ils sont devenus. Oui Monsieur.

    Alors, Monsieur,  ces gens-là, qui voyaient pourtant leur si bel appartement dévasté, attendaient.

    Qu’est ce qu’ils attendaient ?

    Que leur appartement redevienne comme avant, leur air respirable, que ressuscitent les serviteurs

    morts faute de soins et tous ces inutiles éliminés sans vergogne puisque ne leur rapportant rien.

    Ces gens-là, Monsieur ils attendaient...

    Ils attendaient peut-être un autre appartement, dans un autre quartier de la galaxie, ces gens-là...

    Ils jouaient avec leurs gadgets en rêvant de voyages intergalactiques, dans leur appartement

    rongé de tous les bords, servis par des gadgets que bientôt ils ne pourraient plus construire.

    Ils étaient pleins de nostalgie, ces gens-là, Monsieur

    Ils étaient pleins d’utopie, ces gens-là, Monsieur

    Ils n’avaient rien compris, ces gens-là, Monsieur

                                                                         FIN


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