• MA MAISON

    Nous sommes à Pâques

    Voici donc un conte... de Noël

     

    Ma maison

    Ah ! je m’réchauffe un peu.

    Oh ! C’est joli, ça, beige et blanc, en laine bien chaude... doit être douce aussi. C’est sûr.

    Quand même, c’que c’est beau, un manteau comme ça !

    Ça serait joli aussi ces couleurs, pour une maison...Doux et chaud, et clair, et net...

    Ah ! ça va un peu mieux !

    Une maison ! Ma maison... !

    D’abord, faut une porte, en bois foncé, épaisse, sérieuse, avec du fer...Et pis une cloche, qu’on tire pour avertir qu’on est là.

    Mais non, nunuche ! pisque c’est ma maison, ma porte !

    Mais une cloche, c’est joli, quand même. Allez, j’en mets une !

    Vite, je rentre chez moi. Qu’est-ce qu’y fait bon ! Et pis ça sent bon aussi...pas comme certains endroits ! Passons.

    Y’a un feu ? Ben non. Ça fume, ça fait des saletés. Dans la rue, les feux. Non. Des gros radiateurs, ou même, des murs qui chauffent !

    Ça existe, ça, des murs qui chauffent ? J’espère bien qu’ils ont inventé ça !

    Au milieu des murs qui chauffent, y’a une baignoire, avec de la mousse qui déborde. Pis plein de serviettes... mais pas des minab’ de

    rien du tout. Comme des tapis, elles sont épaisses, les serviettes. Et grandes itou. Là, comme ça, beige et blanc. Comme le manteau

    doux sur l’affiche, là.

    Pis y’a une cuisine. ça sent la soupe. La vraie soupe comme chez mamie Simone. C’était la meilleure, mamie Simone, pour la soupe.

    Et la purée ! Qu’elle mettait du beurre dessus ! Si on faisait un dessin avec la fourchette, il était colorié en jaune. Mais on n’avait pas le temps

    de le regarder. On avait faim. Et c’était bon ! Elle était dure, Mamie Simone, mais qu’est-ce qu’elle faisait du bon manger !

    Mais là, c’est pas encore dans une famille d’accueil, c’est chez moi, c’est ma maison !

    Y a du bon manger plein le frigo, et tout le fourbi pour faire cuire et tout.

    Moi, je sais pas faire, mais, dans ma maison, on me portera du manger tous les jours. Moi, je mettrai mon manteau beige et blanc, tout chaud,

    tout doux et bien propre, et j’irai acheter juste du pain.

    Et on m’appellera Madame, parce que je serai bien propre et bien habillée et que j’aurai chaud.

    Je tremblerai pas. J’aurai pas peur, et la boulangère, elle me donnera du bon pain croustillant, parce que j’aurai un porte-monnaie, dans

    un beau sac en cuir.

    Je la paierai, et j’attendrai qu’elle me rende la monnaie, mais je la prendrai pas, parce que je serai plus riche qu’elle... Ça lui fera les pieds,

    à la boulangère.

    Et pis elle sera contente, aussi. Parce que des fois, elle m’en donne, du pain. Mais du rassis, parce que je paye pas.

    Et je rentrerai chez moi. Avec ma clé, j’ouvrirai ma porte. Oh ! Qu’est-ce qu’y fait bon, chez moi.

    J’irai me coucher dans mon lit. Mon lit, il est grand pour moi toute seule et je peux me mettre en travers si je veux. Il y a une grande

    doudoune toute blanche pour s’enrouler, à l’abri où personne peut te toucher. Il y a des draps  avec des grands dessins. Blancs et beiges,

    les draps ! ou peut-être gris et roses.

    A la station Cadet, sur une affiche, y’en avait des gris et roses avec des grandes fleurs. Qu’est ce que c’était chic !

    Et pis des draps avec des roses, ça doit sentir bon ! Pas l’acide et la javel comme... Non. Je pense plus à ça.

     Dans ma maison, j’ai fermé la porte épaisse avec ma clé. Je suis seule, propre et tout sent bon. Et j’ai chaud, enroulée dans ma grande

    doudoune blanche. Comment ça s’appelle, déjà ? ah oui : une couette.

    On en avait des petites, des couettes, avec des dessins de Mickey, chez la maman d’Elodie.

    C’était chouette, chez la maman d’Elodie. Au début, j’avais cru qu’Elodie était ma copine, et même un peu qu’elle me prêtait sa maman,

    qu’avait l’air gentille. Mais j’ai bien vu qu’elle voulait pas la prêter, sa mère, Elodie. Elle est devenue méchante, en colère après moi tout le temps

     et même à l’école, elle rapportait des trucs pas vrais sur moi pour me faire punir et mal voir.

    C’est normal. Elle défendait sa place, sa maison, sa mère. La voleuse, c’était moi. J’le savais bien !

    Mais dans ma maison, dans mon lit à moi, où jamais personne d’autre ne se couche, ma couette à moi, elle est bien plus grande, plus épaisse

    et plus douce. Et j’y dormirai toute nue.

     J’en ai marre, moi, de dormir toute habillée et sans couette...

    ...C’est drôle, y’a plus personne sur le quai, et plus beaucoup de métros qui passent. J’ai dû dormir un brin. Merde ! Y vont fermer et me fiche

    dehors.

    Oh ! J’ai pas envie ! J’ai pas envie de bouger d’là. J’chuis  un peu réchauffée. Dehors il fait nuit, il fait froid...

    Si je m’laisse ramasser, on m’donnera à manger, mais faudra dormir avec tous les clodos. Et les puces, elles partagent, elles !

    Où qu’elle est, mais où qu’elle niche, ma maison pour moi toute seule,  ma porte qui ferme et mon bain de mousse ?

    J’la vois. Elle sent bon, elle m’attend. Je rentre avec mon sac de cuir et mon pain tout croustillant.

    J’en veux pus, moi, de mes sacs plastoc avec mes affaires toutes moches dedans.

    J’prends seulement ma clé...

    J’arrive !

     

    Entrefilet sur le journal Métro :  Miracle de Noël :

    Une SdF sauvée in extremis par l’employé négligent qui a coupé l’électricité des rails quatre minutes plus tôt que l’heure réglementaire.

    La femme s’est précipitée sur le rail  qu’il venait juste de disjoncter. C’était certainement son jour de chance : elle est sauve, mais semble

    ne pas jouir de toutes ses facultés. En particulier, elle ne parle que de sa maison, très clairement, avec beaucoup de détails. A tout hasard,

    des recherches ont été entreprises. En attendant  la femme, carencée et dénutrie, a été  admise  à l’hôpital.

     

     

     


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